Si vous cherchez du romantisme ou de l’aventure, passez votre chemin, ce livre n’est pas pour vous.
C’est brutal.
J’ai mis plusieurs mois à le lire, parce que ça me prenait beaucoup d’énergie, et parfois je faisais une pause avec un livre plus léger avant de reprendre.
J’avoue que cet ouvrage m’a donné quelques cauchemars. Ce n’est pas du tout graphique, ni violent, mais en sachant que c’est une histoire vraie, je ne pouvais pas empêcher de m’imaginer à sa place, surtout que la Colombie, j’y vais relativement souvent, et que je connais des Colombiens lambda qui se sont fait enlevé aussi à cette époque là.
Ce livre raconte les longues années de captivité d’Ingrid Bétancourt par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). La lente descente aux enfers pendant plus de six ans, ses multiples tentatives d’évasion (dont certaines se sont jouées à si peu !), les changements de campement soudains, l’agressivité de ses gardes mais aussi celle de ses compagnons de fortune.
Je crois que c’est cela qui m’a le plus choquée : le manque de solidarité entre prisonniers. La jalousie des uns envers les autres, jalousie que les FARCs alimentent avec application, pour s’assurer que même entre captifs, il n’y ait pas d’espoir.
Certains essayent tout de même de garder un semblant d’humanité, de relations amicales, mais on peut aisément imaginer les tensions qui s’installent au jour le jour… Quand on est enfermés, un tout petit rien prend des proportions énormes. Rappelez-vous comme partir en vacances avec des amis ou la famille, c’est parfois beaucoup de compromis, alors vivre avec des inconnus, dans des conditions primaires, il est évident qu’il y a des guerres internes. Et pourtant, j’aime à penser que face a l’adversité l’homme se serre les coudes, fait corps contre ces geôliers… mais en fait c’est plutôt chacun pour soi dans cette histoire. Ou presque.
Les individus réagissent différemment à la captivité. Certains, comme Clara, la compagne de travail d’Ingrid, craignent leurs geôliers et prennent le parti d’obéir aux ordres, sans doute dans l’espoir de pouvoir « vivre » tranquillement parmi eux. D’autres, comme Ingrid sont des bêtes en cage et n’ont qu’une idée en tête : s’évader. Ils tiennent tête, observent les rituels des gardes et mettent en place des plans pour s’échapper. Je me demande parfois ce qui pousse vers l’une ou vers l’autre des tendances. Sans doute un mélange entre le caractère profond de la personne et son but ultime qui lui donne un peu d’espoir (rappelons qu’Ingrid a des enfants et elle raconte que c’est pour eux qu’elle s’accroche coûte que coûte à la vie).
On perçoit dans ce livre les fondements de notre nature. Ce qui nous définit lorsqu’il n’y a plus rien. Cette force qui nous donne envie de survivre, face aux humiliations incessantes que les prisonniers subissent.
Les gestes banals deviennent des interdits, l’humanité s’envole pour laisser place à l’animal.
La vie dans la jungle est rude. Les gestes basiques sont utilisés pour humilier les prisonniers – les toilettes ne sont qu’un trou creusé dans le sol, on se lave dans la rivière, sous les yeux des FARC, et la promiscuité avec les autres prisonniers est insoutenable.
Il y a aussi les gardes. Les hommes de main. Les jeunes recrues qui sont là un peu par hasard… et comme toujours tout n’est pas blanc ou noir. C’est plutôt… gris foncé. Il y a des gardes humains, ceux qui ont sans doute un peu d’empathie. Et puis comme ce n’est pas un récit de Disney, les vilains n’ont pas un rire de sorcière et un visage abominable. Ils sont malins. Ils sont parfois gentils. Et cela rend la tâche encore plus compliquée pour le lecteur – on aimerait tellement les haïr tout simplement…
J’ai entendu que la vision d’Ingrid a été remise en question par certains de ses camarades d’infortune. Soit disant qu’elle ne raconte pas « la vérité ». Mais quelle « vérité »? Dans de telles circonstances, nul doute que tout un chacun vit et voit les choses de façon différentes, à travers son propre filtre. Chacun vit sa vérité.
Ingrid nous raconte simplement comment elle a vécu ces six années de captivité. Tout est subjectif puisqu’il s’agit de la vie, mais dans tous les cas, c’est un récit qui fait réfléchir. Fort heureusement nous savons tous qu’Ingrid a été libérée, alors il y a tout de même un dénouement « heureux » à ce long drame.
Pour les plus curieux, les FARC ont signé un accord de paix avec leur Gouvernement en 2016 qui a signé leur démobilisation.
En résumé :
Brutal, Vrai, Touchant.